Texte : La fillette aux vieux os – Jean Rodhain

 

Elle ramassait les vieux os.
Elle ne savait ni lire ni écrire.
Elle n’avait même pas fait sa première communion.
Elle ignorait le catéchisme, car sa famille trop pauvre,
en avait besoin pour chercher le bois en forêt
et pour garder les trois autres à la maison.

Maison, c’est une façon de parler car, après cent misères,
leur logis n’était justement qu’un cachot désaffecté
tant il était insalubre :
les quatre enfants habitaient ce cachot avec la mère et le père.
Ce père, afin de laisser aux siens un peu de pain,
demeurait parfois au lit pendant les heures du jour
pour supporter en silence la faim canine qui le tenaillait.
Jean-Marie, le plus jeune des enfants,
fut un jour surpris à l’église
grattant les bavures de cire des cierges
pour apaiser sa faim .

C’est de ce « bouge infect et sombre » que cette gamine
sortit un matin pour aller vers la forêt chercher du bois,
et quelques os, pour les revendre à Alexine Baron, la chiffonnière du pays.
Elle revint au cachot avant midi les mains vides,
mais avec une richesse à faire accourir le monde entier.

J’oubliais, en effet, de vous préciser
que cette fille sans première communion
s’appelait Bernadette Soubirous.
Et le monde entier accourt, depuis plus de cent ans, vers la grotte
et visite inlassablement le cachot « infect et sombre »
où l’enfant rentra sagement
après chacune des dix-huit conversations
face à face avec Marie, Mère du Christ.

Ainsi, pour déclencher un tel torrent de ferveur et de curiosité,
pour révéler un tel Message,
la Mère de Dieu a choisi l’enfant LA PLUS MISERABLEMENT PAUVRE
de cette pauvre bourgade !
Comment est-il possible d’arriver à Lourdes
sans être saisi et bouleversé par ce geste du Ciel
mettant le doigt sur la misère personnifiée :
cette fillette ramassant les vieux os.

Commentaires