Texte : Violence, sang et pauvreté - Jean Rodhain

Sur mon bureau, j'ai des photos atroces
d'une guerre atroce au Vietnam.
J'ai aussi des photos des massacres au Nigeria-Biafra.
Elles sont impubliables.
J'ai aussi un rapport sur la Palestine :
mes deux amis de la Croix-Rouge ...
sont à l'hôpital, criblés de balles…

Or, quand il y a un seul cas de variole,
on ferme les aérodromes
et on vaccine à tour de bras tous les passagers.
Danger d'épidémie.
Et la guerre - autant que la variole -
ne vous paraît-elle pas une épidémie
qui ne semble pas du tout se localiser ni s'atténuer ?

Chaque fois que la guerre avance,
qui est-ce qui recule ? C'est le développement.
Et chaque fois que des avions,
fournis à prix d'or par les pays confortables,
déversent des bombes sur un village,
qui est-ce qui paie ?
Ce sont encore les plus pauvres.

Dans les cinémas de mon quartier,
on passe trois nouveaux films.
Tous les trois font ruisseler
interminablement le sang sur l'écran :
ils ne détaillent que des crimes
commis pour l'argent.

La justice est muette.
La charité, elle, oblige à crier "casse-cou".
Quand un monde entier se prosterne devant l'or
et s'habitue à voir couler le sang,
il peut construire orgueilleusement un monde technique.
Mais alors, la Tour de Babel n'est pas loin.
La misère des pauvres criera justice.
Demain, il sera bien tard !

- Ecrit en 1986 -

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