Texte : Bonheur au quotidien - Soeur Emmanuelle

Au bidonville, j'ai vécu dans le bonheur.
C'est au bidonville que j'ai passé les années les plus heureuses de ma vie.
J'ai eu vingt-deux ans de justice !
Vingt-deux ans de partage.

Ce fut difficile au plan matériel.
J'aurais voulu aider tout le monde à avoir une bonne santé.
Je n'y suis pas parvenue.
On meurt beaucoup dans un bidonville.
Vie et mort se côtoient au quotidien.

Mon bonheur au bidonville a été mêlé de profonde souffrance.
J'ai touché mes limites dans une conversation avec l'abbé Pierre.
Je m'étais réjouie de lui annoncer
que notre programme de scolarisation avançait bien,
que le lycée pour filles était en bonne voie,
qu'une usine allait voir le jour
pour transformer les détritus en un compost fertilisant. 
Ces ordures qui étaient un poison
se métamorphoseraient en source de richesse !

Comme j'avais fini de parler, l'abbé Pierre se tut.
Un voile de tristesse passa dans ses yeux quand il demanda :
"Et les autres, sœur Emmanuelle ? Les autres ?
Ceux que vous n'avez pas pu sauver ?"

C'est là que je touchai mes limites.
Les limites de ce qu'il est possible de faire
pour créer du bonheur sur terre.
C'est le point douloureux de l'enseignement de Jésus.
Toute la vie du Christ nous dit que le bonheur n'est pas pour ce monde.
Si l'on n'accepte pas cet enseignement, on se révolte.
Il n'y a pas d'alternative.


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