Texte : La vie heureuse - Augustin d'Hippône

Tout homme, quel qu’il soit, veut être heureux.
Personne qui ne désire être heureux,
et qui ne le désire par-dessus tout.
Je dirai plus, tout ce qu’on peut désirer d’ailleurs,
c’est pour le rapporter au désir d’être heureux.

Les hommes sont entraînés par des passions diverses,
l’un désire une chose et l’autre en veut une autre ;
il y a dans le genre humain bien des conditions différentes,
et dans cette multitude de conditions
chacun choisit et adopte celle qui lui plaît ;
mais quel que soit l’état de vie dont on fasse choix,
il n’est personne qui ne veuille être heureux.

La vie heureuse est donc le bien commun que tous ambitionnent ;
mais quel moyen d’y arriver,
quel chemin prendre pour y parvenir,
c’est là que les hommes ne sont plus d’accord.
Si donc nous cherchons la vie heureuse sur terre,
je ne sais si nous pourrons la trouver,
non que ce que nous cherchons soit mauvais,
mais parce que nous ne cherchons pas le bien là où il se trouve.

L’un dit :
« Heureux ceux qui suivent la profession des armes » ;
un autre soutient le contraire et dit :
« Heureux ceux qui cultivent les champs.»
« Vous vous trompez, dit celui-ci,
heureux ceux qui brillent au barreau par leur éloquence,
qui défendent les intérêts de leurs concitoyens
et dont la parole devient l’arbitre
de la vie et de la mort des hommes. »
« Non, répond celui-là, heureux bien plutôt ceux qui jugent
et qui ont l’autorité pour écouter les débats
et prononcer la sentence. »
« Vous êtes dans l’erreur, dit un autre,
heureux ceux qui traversent les mers,
ils apprennent à connaître du pays
et réalisent des gains considérables ? » […]

Comment se fait-il donc que de toutes les conditions de la vie,
il n’en est pas une seule qui soit agréable à tous,
tandis que tous sont unanimes pour aimer la vie heureuse ?

Commentaires